Ce lundi, une réunion stratégique de très haut niveau s’est tenue à la Primature sous la houlette des Présidents Leslie Voltaire et Laurent St-Cyr, en présence du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé. Autour d’eux, les représentants de la Police Nationale d’Haïti (PNH), des Forces Armées (FAd’H), de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMS), du ministère de la Justice et du Task Force pour la sécurité. L’objectif affiché : restaurer l’autorité de l’État, éradiquer les gangs armés et redonner espoir à une population lassée par les promesses vides.
Tandis que les autorités parlent de cohésion, de mobilisation de ressources et de coordination renforcée, les gangs continuent d’avancer sur le terrain. Ils contrôlent des quartiers entiers, dictent leurs lois, extorquent, assassinent, déplacent des familles. Face à cette réalité brutale, l’unité affichée au sommet de l’État apparaît davantage comme un exercice de communication que comme une réponse structurée à une crise profonde.
Une stratégie qui tourne en rond
Le gouvernement évoque des « moyens budgétaires et logistiques exceptionnels » pour renforcer la PNH. Mais aucune précision concrète n’est fournie. Le flou règne : s’agit-il d’équipements, de personnel, de formation, ou de soutien étranger ? Sur le terrain, les forces de l’ordre restent souvent débordées, démoralisées, parfois complices. Les opérations annoncées depuis des mois peinent à enrayer l’expansion des groupes armés. Et pendant que le pouvoir délibère, la violence se territorialise.
La référence insistante à la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité confirme un fait désormais établi : l’État haïtien ne peut plus agir seul. Cette dépendance aux acteurs étrangers, si elle s’explique par la faiblesse des institutions nationales, illustre aussi l’échec de décennies de gouvernance clientéliste, d’inaction stratégique et de désengagement progressif de l’appareil étatique.
Appels à la mobilisation : un réflexe devenu rituel
Une fois de plus, les dirigeants appellent la population à la mobilisation pour « défendre la paix, la stabilité et la libre circulation des citoyens ». Un appel qui sonne creux dans un pays où la simple idée de circuler librement relève de la fiction pour une majorité d’Haïtiens. En l’absence de justice fonctionnelle, de sécurité quotidienne et d’accès aux services de base, ce genre d’invitation à « l’unité nationale » paraît déplacé, voire cynique.
Quant à l’organisation d’élections « libres et démocratiques », elle est évoquée comme une finalité de l’action sécuritaire. Mais peut-on parler d’élections dans un contexte où une large partie du territoire est soumise à la terreur, et où l’État n’a même plus la maîtrise de ses propres commissariats ?
Le théâtre politique face au chaos réel
La réunion de ce 21 juillet n’est pas la première du genre. Elle s’inscrit dans une longue série d’opérations de façade, marquées par des déclarations volontaristes sans lendemain. Loin de rassurer, elle révèle au contraire un pouvoir central englué dans sa propre impuissance, incapable de passer du verbe à l’action.
Tant que l’État haïtien refusera d’affronter ses propres dysfonctionnements l'impunité, la corruption, la cooptation politique, la désinstitutionalisation chaque réunion officielle ressemblera à une pièce de théâtre tragique, jouée dans un pays qui, lui, continue de sombrer sous les balles.