C’est dans un décor soigneusement préparé que le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé a effectué, ce vendredi, une visite à la base d’entraînement des Forces Armées d’Haïti (FAd’H) à Clercine. Objectif annoncé : « renforcer les capacités du ministère de la Défense » et montrer que l’État se soucie de la sécurité nationale. Objectif réel : donner un semblant d’élan militaire à une institution qui n’a, depuis sa résurrection, jamais réellement quitté l’état végétatif.
Derrière les discours bien calibrés sur la « modernisation » des FAd’H, la réalité est crue : nous n’avons pas d’armée. Nous avons quelques centaines d’hommes mal équipés, à peine formés, évoluant dans des structures sans vision stratégique, sans doctrine, et encore moins de moyens. Pourtant, le gouvernement persiste à entretenir le mythe.
Le chef du gouvernement a salué l’envoi prochain de 150 recrues en formation au Mexique. Une annonce creuse, déjà entendue sous d’autres gouvernements, et qui n’a jamais rien changé à l’état structurel des FAd’H. Une armée ne se construit pas par correspondance. Elle se bâtit avec un budget conséquent, une volonté politique claire, une planification rigoureuse. Rien de cela ne semble à l’ordre du jour.
Quant aux 250 nouvelles recrues qui intégreront bientôt la base de Clercine, on se demande dans quelles conditions elles seront encadrées. Recevront-elles des armes ou juste des uniformes ? Auront-elles des officiers qualifiés ou des supérieurs improvisés ? L’histoire récente des FAd’H laisse peu de place à l’optimisme.
Comme souvent en Haïti, le spectacle remplace la substance. Et dans ce cas précis, la manœuvre est limpide : en associant cette relance militaire à l’organisation du référendum constitutionnel et des élections générales, le gouvernement tente d’habiller d’un manteau d’autorité ce qui n’est, pour l’instant, qu’un vaste désert institutionnel. Il faut faire croire que l’État tient debout. Alors on visite des camps. On prononce des discours. On annonce des formations. On met en scène une stabilité qui n’existe pas.
La population, elle, n’est plus dupe. Elle sait que les FAd’H ne représentent pas aujourd’hui un rempart contre quoi que ce soit. Ni contre les gangs, ni contre le chaos, ni même contre l’effondrement progressif de l’appareil d’État. C’est une armée de papier, dont le principal usage semble être de figurer dans les communiqués de presse.
Pendant que les gangs contrôlent des pans entiers du territoire, le gouvernement parade à Clercine. Pendant que le peuple attend la paix, le pouvoir mise sur l’illusion. Et pendant que l’insécurité règne, l’État, lui, joue au soldat.