Dans un coin reculé du Village de la Renaissance à Zoranjé, un jeune homme de 26 ans, Bertrand Bilithson, se dresse comme un symbole d’espoir et de persévérance. Chrétien convaincu et amoureux de la nature, il s’est lancé dans une mission audacieuse : métamorphoser les déchets plastiques en œuvres d’art et éveiller une conscience environnementale chez les générations futures.
Un parcours guidé par l’adversité
Couturier, artisan, électricien et bientôt diplômé en photographie, Bertrand porte fièrement plusieurs casquettes. Né au Village de la Paix, à Wharf Jérémie, un quartier aujourd’hui marqué par l’insécurité, il a trouvé refuge au Village de la Renaissance. Mais même ce lieu censé incarner l’espoir n’est pas épargné par les violences des gangs. Face à ces défis, Bertrand refuse de céder au désespoir : il transforme les épreuves en opportunités et déploie sa créativité pour inspirer autour de lui.
« J’ai commencé à créer après le séisme du 12 janvier 2010, en fabriquant des ceintures avec des matériaux de récupération. Mais en 2017, cela est devenu une véritable passion quand j’ai réalisé mes premiers paniers et sous-plats », confie-t-il.
En 2022, une date symbolique marquée par la Journée internationale du recyclage, Bertrand franchit une étape majeure en fondant BEBI ATELIER D'ART RECYCLAGE. Grâce à ce projet, il donne une nouvelle vie aux déchets plastiques et transmet ses connaissances aux enfants de la région.
Un rêve d’école : bâtir un avenir durable
Aujourd’hui, Bertrand nourrit un rêve bien plus grand : la création d’une école qu’il nomme C-FARE (Centre de Formation en Art Recyclable). Cet établissement aurait pour vocation de former de jeunes Haïtiens en six mois, combinant apprentissage théorique et pratique. L’objectif est de leur offrir les outils pour transformer les déchets en matériaux précieux, tout en leur inculquant des valeurs comme le leadership, l’engagement civique et la responsabilité environnementale.
« Mon rêve, c’est de voir des jeunes se lever partout dans le pays, changer leur quotidien et celui de leurs communautés », explique-t-il avec passion. Mais ce rêve est freiné par des obstacles colossaux : manque de financement, absence de locaux adéquats et lenteur des démarches administratives pour légaliser l’école. « Nous avons tout imaginé : des ateliers, des campagnes de sensibilisation, et même des "ÉCO-PLACES", des espaces publics faits de matériaux recyclés. Mais sans appui, tout cela reste un rêve », avoue-t-il, le cœur lourd.
Un appel vibrant à l’aide
Bertrand ne cache pas sa frustration face au manque de soutien. « En Haïti, il est difficile de trouver des fonds pour des projets comme le nôtre. Pourtant, nous travaillons pour le bien de tous. Ce n’est pas seulement mon rêve, c’est une vision pour tout un pays », déclare-t-il avec insistance.
Il appelle les ONG, les entreprises privées et les institutions publiques à rejoindre son combat. « Si nous avons les moyens nécessaires, je suis certain que nous pouvons former une génération capable de relever les défis environnementaux et sociaux de notre pays. Haïti en a besoin. »
Pour lui, cette école n’est pas seulement une initiative éducative ; c’est une arme contre l’inaction, une opportunité de transformer le désespoir en solutions concrètes. Malgré les menaces d’insécurité qui ont poussé plusieurs de ses collaborateurs à fuir, Bertrand reste déterminé : « Je ne peux pas abandonner. Je dois continuer. »
Un livre pour les générations futures
En parallèle, Bertrand travaille sur un projet d’ouvrage intitulé "AYITI BEZWEN RESIKLE", destiné aux jeunes des premières années du fondamental. Ce livre vise à enseigner l’art du recyclage, en plantant les graines d’un avenir respectueux de l’environnement dès le plus jeune âge. Mais là encore, les obstacles sont nombreux. « L’insécurité a fait fuir plusieurs de mes collègues. Je dois avancer seul pour l’instant, mais je garde espoir. »
Un message d’espoir
Dans un contexte où l’espoir semble s’effriter, Bertrand Bilithson incarne la résilience. « Haïti est notre maison. Si nous ne protégeons pas notre environnement, nous détruisons notre avenir. Les jeunes doivent se lever, s’investir, et montrer que ce pays a encore beaucoup à offrir. »
Avec sa détermination et sa vision claire, Bertrand prouve qu’un simple rêve peut devenir un moteur de changement. Il est le reflet d’une jeunesse qui refuse de baisser les bras, une lueur d’espoir pour un avenir meilleur.