Le Premier ministre, Dr Garry Conille, a pris part ce samedi à l’Hôtel Montana à une importante rencontre sur les défis et les conditions nécessaires à la réussite du processus référendaire et électoral. Cette journée d’échanges s’inscrivait dans le cadre du Forum d’Appui au Processus Électoral, en présence du Président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Monsieur Leslie Voltaire, ainsi que de Pasteur Frisnel Joseph, Conseiller-Président, des membres du Conseil Électoral Provisoire (CEP) et de représentants du corps diplomatique accrédité en Haïti.
Le timing de cette rencontre semble pour le moins particulier. En effet, la veille, le CPT avait officiellement signé une résolution visant à révoquer Garry Conille de ses fonctions de Premier ministre, une décision qui n’a pas encore été validée par la communauté internationale, notamment par l’ambassade des États-Unis, qui joue un rôle clé dans les affaires politiques haïtiennes. Pourtant, ce samedi, le Premier ministre et les membres du CPT étaient réunis autour de la même table pour discuter de l’avenir politique du pays. Un paradoxe révélateur de la complexité de la situation actuelle.
Lors de son intervention, Dr Garry Conille a souligné l'importance de l’unité et de la coopération entre les différents acteurs politiques et les secteurs de la société haïtienne pour mener à bien la transition en cours. Il a rappelé que l’objectif principal demeure la tenue d’élections libres et transparentes d’ici le 7 février 2026, date prévue pour le transfert de pouvoir à un gouvernement démocratiquement élu, conformément à l’Accord du 3 avril 2024. « Le peuple haïtien attend de nous que nous livrions cette bataille et que nous parvenions à réussir ce processus pour son avenir », a-t-il affirmé, tout en confirmant que près de la moitié des ressources nécessaires à l'organisation du référendum et des élections étaient déjà disponibles.
Malgré la pression exercée par certaines forces politiques et les doutes qui entourent le processus, le Premier ministre a réitéré sa confiance dans la capacité de l’État haïtien à mener à bien ce défi. Il a aussi précisé que le gouvernement mettrait tout en œuvre pour soutenir le Conseil Électoral Provisoire et le Comité de Pilotage, en vue d’atteindre les objectifs fixés pour 2026. Parmi les avancées notables, il a mentionné la mise en place du Comité de Pilotage de la Conférence Nationale et de la Réforme Constitutionnelle, ainsi que les financements alloués pour certaines étapes essentielles de la Conférence, dont le lancement officiel est prévu pour le 12 novembre 2024.
Une transition sous haute tension
Le contraste entre les engagements publics du Premier ministre et la résolution du CPT visant sa révocation montre bien l'instabilité politique qui caractérise cette période de transition. Alors que le processus électoral avance avec la mise en place d’institutions et de mécanismes nécessaires, le conflit interne entre la présidence et la primature s’intensifie, alimenté par des rivalités politiques et des ambitions personnelles. Le bras de fer entre les deux institutions continue de nuire à la gouvernance du pays, aggravant la crise actuelle.
Cette situation prend une tournure particulièrement délicate lorsque l’on considère que les autorités haïtiennes semblent de plus en plus dépendantes des décisions des puissances étrangères, notamment des États-Unis, pour valider ou non leurs choix politiques. À ce jour, l’ambassade américaine n’a pas approuvé la révocation de Garry Conille, et les autorités haïtiennes peinent à prendre des décisions indépendantes, ce qui témoigne de l'incapacité du pays à résoudre ses problèmes internes sans influence extérieure.
Les tensions sont exacerbées par la persistance de certaines forces politiques qui cherchent à saboter le processus de transition. Le Conseil Présidentiel, dont la légitimité est parfois mise en question, semble jouer un rôle central dans cette dynamique, mais sa capacité à agir efficacement est limitée par ses propres divisions internes et les pressions externes.
Des solutions en discussion
Malgré ces tensions, des discussions, sous l’égide de la CARICOM, semblent permettre une possible issue au conflit entre les membres du Conseil Présidentiel de Transition et le Premier ministre. Selon certaines informations, un compromis pourrait être trouvé, avec l’éviction de trois conseillers inculpés au sein du CPT, en échange du contrôle de trois ministères clés : les Finances, la Justice et l’Intérieur. Cette solution pourrait permettre de stabiliser la situation politique et d’apporter un semblant de cohésion entre les différentes parties en jeu.
Un avenir incertain
La situation actuelle en Haïti soulève de nombreuses interrogations sur la capacité des autorités à garantir une transition politique crédible et à organiser des élections dans un climat de paix et de stabilité. Le pays est plongé dans une crise politique profonde, où les conflits internes, les rivalités entre institutions et l’ingérence étrangère compliquent l’avancement du processus électoral.
Pour le Premier ministre Garry Conille, l’objectif reste inchangé : conduire Haïti vers un avenir démocratique, avec un gouvernement élu par le peuple et un processus électoral respecté par tous. « Nous allons continuer à avancer. Il n'y a pas de retour en arrière. Le référendum constitutionnel se tiendra en 2025, et le 7 février 2026 marquera la fin de la transition », a-t-il déclaré, réaffirmant sa détermination à mener à bien ce projet pour le bien de la nation.
Cependant, la route reste semée d’embûches, et la question demeure : Haïti réussira-t-il à sortir de l’impasse politique et à organiser des élections dans un climat de confiance et de légitimité ? Seul l’avenir le dira.